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The political economy of development
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Au Revoir compañero Andre Gunder Frank
Textes:
Samir Amin - Miguel A. Bernal - Theotonio Dos Santos - Barry K. Gills - Róbinson Rojas - Jeff Sommers - Arno Tausch
 
Nécrologie - Le Monde 02.05.05

Andre Gunder Frank, économiste allemand







L'économiste allemand Andre Gunder Frank est mort au Luxembourg, samedi 23 avril. Né à Berlin le 24 février 1929, docteur en économie de l'université de Chicago, il a enseigné dans plusieurs universités aux Etats-Unis, en Amérique latine et en Europe.

Je l'avais rencontré en 1967. Notre longue conversation nous convainquit que nous pensions sur les mêmes longueurs d'onde. La théorie de la modernisation, dominante à l'époque, attribuait le "sous-développement" au caractère tardif et incomplet du développement capitaliste. L'orthodoxie marxiste des partis communistes reprenait à sa manière cette vision et qualifiait l'Amérique latine de "semi-féodale" .

Frank formulait une thèse tout à fait différente et nouvelle : l'Amérique latine avait été fabriquée dès l'origine dans le cadre du déploiement capitaliste, en qualité de périphérie des centres atlantistes naissants (Capitalisme et sous-développement en Amérique latine, Maspero, 1972). J'avais proposé de mon côté d'analyser l'intégration de l'Asie et de l'Afrique dans le système capitaliste en termes d'exigences de l'"accumulation à l'échelle mondiale" , productrice par sa logique interne de la polarisation de la richesse et du pouvoir.

Quelques années plus tard, à Mexico en 1972, nous nous retrouvions au congrès du Conseil latino-américain des sciences sociales (Clacso), qui inaugurait la "théorie de la dépendance" , dont Frank était l'un des ténors avec Fernando Henrique Cardoso, Anibal Quijano, Rui Mauro Marini et d'autres. Ils m'avaient invité à leur faire part des conclusions parallèles auxquelles j'étais parvenu à partir de l'histoire fort différente de l'intégration de l'Asie et de l'Afrique au système mondial.

AVANT PORTO ALEGRE

Il était normal dans ces conditions que nous nous retrouvions également avec l'école de l'économie-monde, inaugurée par Immanuel Wallerstein dans les années 1970. C'est ainsi que s'est constituée notre "bande des quatre" (Amin, Arrighi, Frank, Wallerstein). Les "quatre" ont donc publié ensemble, chez Maspero-La Découverte, deux ouvrages : La Crise, quelle crise ? (1982) et Le Grand Tumulte. Les mouvements sociaux dans l'économie monde (1991).

Alors que la mise en place de la nouvelle économie néolibérale mondialisée était à peine amorcée, que la nouvelle géostratégie commençait seulement à se dessiner, nous donnions une importance stratégique aux "nouveaux mouvements sociaux" qui allaient, dix ans plus tard, à Porto Alegre en 2001, se constituer en Forum social mondial.

Cette proximité de vues, en dépit de différences marquées (mais stimulantes pour tous), devait faire de nous des amis intimes. Nous avons aimé Frank comme un frère et vivement souffert de la dégradation de sa santé au cours des douze dernières années de sa vie, une lutte constante et courageuse contre le cancer.

Son livre le plus récent (Reorient : Global Economy in the Asian Age, University of California Press, 1998) montre comment la Chine était déjà une puissance économique il y a deux siècles et aide à comprendre le "retour" actuel des Chinois sur la scène mondiale.

Ce que j'ai aimé par-dessus tout chez Frank, c'était sa sincérité et son dévouement sans limites. Frank n'était mû que par un seul désir : celui d'être utile aux classes populaires et aux peuples dominés, victimes de l'exploitation et de l'oppression. Il était toujours spontanément et inconditionnellement de leur côté. Une qualité qui n'est pas nécessairement celle de toutes les meilleures intelligences intellectuelles.

Samir Amin, président du Forum social des alternatives